photos R.Levaché
De retour du festival après ces 4 jours de rêve !
Nous étions dans l'église du Bourg Dun où France -Patchwork nous a laissé la travée de droite.
Quelques Quilts de Légende ont trouvé leur place avec harmonie parmi les robes.
La partie de gauche est en travaux.
photos R.Levaché
L'équipe du festival ne ménage pas sa peine pour la prise en charge des exposants, commerçants, artistes, assos afin que tout se passe au mieux, que l'ambiance soit conviviale et chaleureuse.
Je ne parle pas de la méteo !
Ma copine Françoise de Vendée venue spécialement pour le Festival m'a offert un carnet fait par ses soins afin que je puisse y consigner les contacts.
Il a fait bien des envieuses !
Il y a un mois, Boby Lu Lee est venu avec sa boite de pierres, bois de renne, coquillage.
Il a ensuite réalisé un collier par robe en s'inspirant des couleurs et des formes de chaque modèle.
photos R.Levaché
Ses bijoux sont à retrouver à la boutique Homo Erectus au Eyzies avec d'autres créateurs, artisans de la vallée Vézère.
Nous avons vu environ 1600 visiteurs intéressés, bienveillants, et enchantés.
Nous avions mis le son sous la robe Princesse blanche, cela faisait comme un fond sonore.
Il y a des mots qui nous "accrochaient" sans s'imposer, nous emportaient pour quelques phrases.
Il y a des gens qui ont lu les textes, beaucoup ont cru que c'était les vraies histoires et qui voulaient savoir qui était la mariée...
Certaines personnes sont revenus plusieurs fois, seules pour mieux profiter, accompagnées pour partager.
Le petit jeu "Chercher la fleur" parmi 1000, pour en gagner une en organza a eu beaucoup de succès !
J'aurai pu en offrir beaucoup plus...
photos F.Baranton
Fils de lin
Ecrins de souvenirs enchevêtrés
Perles glanées
Dans les suites des possédantes
Yeux brûlés par les fuseaux
Pour trois sous six pommes
Un bouton de nacre
Rassemble leurs labeurs
Joëlle au passé dans les douleurs
Recoud les os brisés
Raccommode les cassures
Joëlle tisse et retisse
L’histoire des femmes
Celles d’aujourd’hui
Et celles d’antan
Fils de lin
Ecrins de souvenirs enchevêtrés
Avec des triangles
Un, deux, dix, vingt
Beaucoup de triangles
Trente, quarante, cinquante
Triangles brodés fleuris, aux couleurs
Vives
Tendres ou passées
Vieux rose
Couleur tango
Bleu de France
Écarlate
Triangles comme autant de mots rythmant une phrase
Phrases comme autant de lignes rythmant un récit
Triangles des Françoise
Triangles des Marie
Triangles des Martines
Et de toutes les autres
Dansent une folle farandole
Sur la robe de lin
Fulgurance de feu
Tu fuis ton ancrage nacré
Cruelle Michelle
Joëlle douce donzelle
Frappée par les dents du requin
Demain
Partira dans le train
Bleu
Fils de lin
Écrins de souvenirs enchevêtrés
Hibou ébloui dans mes phares
Un petit corps rondouillard
Sans huppe tu serais chouette
Semé par tes mains
S’enracine le lin
Qui s’enroule
Autour de ton chagrin
Le triangle fait de rien
Évelyne avec ses cabochons
Agacée jette les torchons
Dame Moufette
Cherche
Une amourette
Une sœurette
Sur le tapis bleu
Sans nœud
Fils de lin
Écrins de souvenirs enchevêtrés
De lagune en marécage
De galets en frais rivages
Annie
Tresse les fils de la nuit
Tenant sa faucille
A la cueillette des cerises
Sylvie dessine une frise
Engrenage du temps
Qui file sa pelote sans fin
Impavides les bleuets fleurissent
Le long du chemin
Nessie sort du lac
Les collines ondoient
Les collines ondoient
C’est un jour comme les autres
Longtemps elle l’a couvé
Rolande la plus maternelle de la cour
Le dorlote sans se lasser
Marie-Christine
Dans sa cuisine
Fait des tartines
Fleurs de farine
Vase d’opaline
Fils de lin
Écrins de souvenirs enchevêtrés
Mon ami le hibou
Yeux pétillants et brillants
Bouche en fleur de lin
Collier en myosotis
Écoute le coucou
Voleur de nuit
Cinq pétales qui s’étalent
Deux pompons ouatés mignons
Sylvie au point de riz
Brode ses envies
L’hirondelle la suit
La belle Clotilde au volant
Tel l’amant
Qui ne fuit
Frédérique
En pique-nique
Frédérique
La cacique
S’endort dans les herbes sauvages
Bercée par la fleur maternelle
Fils de lin
Écrins de souvenirs enchevêtrés
Les triangles s’entourent
Se snobent
S’étreignent
Se délaissent
Sur la robe de lin
Robe d’été
Pour humer
Le soleil et la mer d’un bleu
Laiteux
Sur la côte d’Albâtre
Fils de lin
Écrins de souvenirs enchevêtrés
Écrit et lu par Dominique Julien /Anne- Françoise Theunissen /Annick Bellard / Claudine Courtel
Moi, je suis le chat de la Dordogne
Ne me confondez pas avec le poisson chat. Je ne suis ni un mignon petit silure à la chair encombrée d’arêtes, ni son monstrueux cousin pourchassé par les pêcheurs de gros.
Je suis un vrai matou : museau de nacre, moustaches vibrantes, pattes de velours, yeux en amande, pelage noir et soyeux. La Dordogne, je la connais, je l’aime, je l’appelle Ma Dordogne, Mado.
Caché entre les joncs, je la regarde, je l’admire, je la sens, je l’écoute, elle me parle. Je ne la touche, ni ne la goûte, comme tous les chats, je n’aime pas l’eau.
Née dans les montagnes volcaniques du Massif Central, elle dévale jusqu’à l’océan, tout en prenant son temps. Le temps lui en a donné du temps. Depuis la nuit des temps, elle façonne tous ses galets gris cendré, perlé, argenté, d’acier. Il m’arrive de jouer aux billes avec les plus ronds et les plus petits. Avec les plus plats, ma maîtresse fait de fabuleux ricochets. L’été les enfants en font des barrages, des collections, des tas, des ports, des tours, des pièges à poissons.
L’été parlons-en, l’été sur les eaux descendantes de Mado des hordes de vacanciers se prennent pour de vrais aventuriers armés de pagaies. C’est un charivari qui le plus souvent me contrarie. Je préfère me laisser bercer à regarder se balancer dans l’onde calme, les fuseaux vert émeraude des renoncules d’eau. Elles éclosent en mille petites corolles d’un blanc éclatant. Les caloptéryx, demoiselles en livrée lapis-lazuli en font leur terrain de jeu, se poursuivant à qui mieux-mieux dans cette prairie aquatique. A la fin de l’été, c’est au tour des agrions jouvencelles bleu turquoise de mener la danse au ras de l‘eau.
Ma Dordogne est changeante. Selon les saisons ses eaux sont cristallines ou d’obsidienne, cuivrées, mordorées ou d’ardoise, limpides ou turbides, cireuses, argentines, ou boueuses.
La Méouzette, la Triouzoune, La Luzège, la Cuze, la Vézère déversent leurs flots verts prasin, céladon ou malachite, leurs ondes jaune topaze, ocre, fauve ou caca d’oie. Ma Dordogne, heureuse et généreuse emmène tout ça, triomphale ou modeste, opulente ou raisonnable, turbulente ou mélancolique jusqu’à la Garonne. Toutes deux, main dans la main, partent à la conquête de l’Atlantique.
Les hérons cendrés, les cormorans, le martin-pêcheurs, les hérons blancs, les milans, les cygnes accompagnent Mado sur un petit bout de chemin. Quand ils sont là posés près de moi, je me lèche les babines à l’idée de les croquer. Dans mes rêves, seulement ! Ils ont tous des becs aiguisés comme des armes de lanciers. Alors je lève le museau en suivant les courbes et les flèches de leurs vols pas toujours élégants. Sur fond de ciel d’orage, de lumière du couchant ou de nuées boursouflées ils écrivent d’étranges messages que je me plais à décrypter. Et je me console en me disant qu’à la maison une délicieuse mousse de foie gras m’attend.
A la tombée de la nuit les houppiers des saules, des peupliers, des aulnes, des cornouillers se poudrent de mystère. Ils ourlent de velours le ruban ondulant de Ma Dordogne qui somnole. Au firmament une à une les étoiles s’allument. La lune capricieuse apparaîtra peut-être.
Grenouilles et crapauds reprennent à plein gosier leurs croassantes mélopées. Il est l’heure de rentrer près de Joëllita ma maîtresse.
Joëllita a un secret. Pour son mariage elle ne portera pas de robe blanche, elle veut une robe Dordogne. C’est moi qui ai eu l’idée.
Quand Joëllita plonge son regard pétillant de curiosité dans mes pupilles, quand elle plonge ses doigts fins dans mon pelage couleur de nuit, je ronronne et je lui raconte Mado. Je reste près d’elle quand elle coud. Elle me demande mon avis, je choisis : les fils de nylon, de coton ; les tissus d’organza, de satin, de popeline; les couleurs d’agate, d’anis, d’indigo, d’azur ou d’océan ; les perles, les dentelles, les laines.
Le jour de son mariage Joëllita dansera dans une robe ardente comme ma rivière.
Écrit et lu par Annick Bellard
Ce chat existe, essayez de trouvez son portrait sur la robe…
LA ROBE DE MARIÉE
Je viens d'être fiancée en ce jour béni de mon anniversaire. Le mariage aura lieu dans un an (Juin prochain) sous le signe des gémeaux.
Cette journée sera éblouissante et ma robe de mariée la plus belle du monde.
Un éclair traverse mon esprit : je vais moi-même en assurer la confection et en faire ainsi 1a surprise aux invités et surtout à mon fiancé.
Mon cœur bat la chamade. Ne suis-je pas un peu prétentieuse ? J'ai bien quelques notions de couture mais quand même......
Dans ma tête se dessine une robe de Princesse. Suis-je capable de la réaliser ? Aurais-je assez de temps ?.
Les jours et les semaines passent,.... mon projet n'avance pas très vite et pourtant j'en rêve toutes les nuits, mais plus le temps s'écoule et plus ce rêve devient cauchemar. Demain j'attaque !.
Belle journée ensoleillée, brume dans la vallée, pleine lumière dans mon bureau où
s'entassent un carnet à dessin, des crayons de couleur, des craies, des gommes, des ciseaux, un mètre, une équerre, des fils, des aiguilles et un catalogue de robes de mariées.
J'esquisse quelques coups de crayon : ma robe sera longue et pourvue d'une traîne. De quelle couleur ? Noire, non c'est trop triste, je ressemblerai à une veuve joyeuse..... de la broderie anglaise, de la dentelle de Calais, du lin, du crêpe, de la soie précieuse et soyeuse, de la mousseline, vaporeuse, du Lyocell (matière écologique élaborée à partir de la pulpe de tissus, respirante et résistante, très comparable à de la soie), du coton, du satin. . ... ?
Ce sera finalement une robe taille princesse en Lyocell, décolletée, avec des incrustations de triangles en tissu, brodés, décorés de brillants de couleurs contrastées et dégradées allant du beige clair au blanc cassé.
Demain, visite au marché St Pierre situé dans le l8è'' arrondissement de Paris, au pied de la butte Montmartre....
Là, je déambule dans les rues et trouve enfin la boutique de tissus recherchée. Une vraie caverne d'Ali Baba : des monceaux de tissus jusqu'au plafond de toutes les couleurs et de toutes les matières , naturelles ou synthétiques.
Une charmante hôtesse, très classe : tailleur style Chanel, chignon impeccable et talons aiguilles se propose de m'aider. Elle m'écoute très attentivement mais semble un peu perplexe au fur et à mesure de la conversation. Au final, je me rends compte que je n'arriverai jamais à réaliser, seu1e, ce projet « pharaonique » ; adieu robe et strass éclatants !. Je fonds en larmes, complètement désemparée.
Joëlle, ainsi prénommée, me conduit dans un petit salon au fond du magasin où je m'affale dans un fauteuil, anéantie. Elle me demande cependant de bien vouloir l'écouter.
Joëlle a été Première main chez Chanel pendant plus de 15 ans et me confie quelques éléments de son passé. En définitive, elle est depuis peu gérante de ce magasin consécutivement à une réduction d'effectif opérée au sein de la prestigieuse Maison de couture.
Sur ses conseils et pendant près de trois heures, nous établissons alors un « plan de bataille» rigoureux pour les l0 mois à venir.
J'ai finalement opté pour du Lyocell puisqu'il s'agit d'un matériau écologique. La robe en elle-même sera très simple et ce qui fera son charme seront les triangles qui y seront cousus.
Après de nombreux essayages, aujourd'hui est le dernier : robe Princesse évasée sur les hanches et terminée par une longue traîne mais le plus magique réside dans le fait que Joëlle a cousu 500 triangles sur le buste, le devant et sur les côtés de la traîne. Quelle patience..... ! Ces triangles sont décorés de boulons brillants, décorés de différents points : point de chaînette, points de tige, points de nœud, arrière renforcé, bouclette de points de poste pour les petites fleurs et des fils d'or et d'argent qui forment des arabesques. Sur le bustier asymétrique et sur l'épaule gauche quatre triangles forment comme une aile, l'épaule droite restant complètement dénudée.
J'en ai le souffle coupé, quel magnifique travail !
Pour compléter sa réalisation, Joëlle a confectionné deux petites robes pour les demoiselles d'honneur ainsi qu'un gilet de couleur bleu marine comportant également quelques triangles.
Au final, je suis la plus heureuse des fiancées...... Musique : Ave Maria de SCHUBER Écrit et lu par Claudine COURTEL
Conte :
Le rêve d’une robe de soie noire
Il était un homme né dans un petit village entouré de forêts de chênes et de pins. Un homme bon, mais ni plus ni moins que beaucoup d’autres.
Son père avait redressé pierre par pierre chaque maison du village. Puis, plus loin encore, il avait fait revivre un autre bourg au-delà des collines. Très loin, là où les ciels sont lavés des larmes du Nord.
Dans une des maisons du père, habitait le fermier. Il avait des bêtes, broutant de ci de là, dans les champs et tout autour de la forêt, nourrissant ainsi le village.
Dès sa 15e année, celui qui allait devenir l’homme bon - mais ni plus ni moins que beaucoup d’autres - vit naître et grandir la fille du fermier. On l’appela bien vite « Petit rayon de soleil ».
La vie s‘écoulait, l’homme devint adulte. Il partit enseigner la philosophie de la musique dans quelques universités du pays. Entre les cours, il écrivait et revenait par épisodes dans son village. On savait peu de choses de sa vie. A chacun de ses retours, il ouvrait les fenêtres de la maison du père, les couvercles du piano quart de queue et jouait sans compter les heures ses ballades préférées. Tout le village était traversé par sa musique et « Petit rayon de soleil » se rêvait chantant auprès de l’homme bon, mais ni plus ni moins que beaucoup d’autres.
Les années passèrent et « Petit rayon de soleil » devint adulte, elle-aussi. Elle jacassait avec tous les gens du village, même les paroissiens bien plus réservés que les amis du maire. Quelques fois ses bavardages se muaient en commérage, aux accents de « langue de vipère ». L’homme bon - mais ni plus ni moins que beaucoup d’autres-, n’écoutait pas les commérages. Il était profondément amoureux de celle qu’il regardait encore comme un « Petit rayon de soleil ».
En grand secret, il fit préparer une robe de rêve pour la femme de sa vie. Une robe de soie noire, pour changer la tradition du mariage à l’église. Il voulait éblouir celle avec laquelle il désirait vivre. Il connaissait tout de sa taille, les finesses, les « rondeurs », les chevilles, les doigts longs. Même la douceur de peau de cette femme adorée. Il put ainsi garder le secret des matières, des fils et entre-fils de la future robe, dont il confia la réalisation à son amie d’enfance Jolële, couturière depuis toujours
Avec elle, il choisit une soie moirée plus scintillante que les nuits étoilées. Dans la soie, Jolële fit un corsage pour épouser deux petits seins ronds comme des pêches. A la naissance des seins, elle cousit un repli afin que la soie glissa telle une caresse le long de la silhouette de l’aimée. L’amie d’enfance, pour parfaire sa création, ajouta au col des cercles de soie traversés de broderies d’or, semblables aux fils de la passion.
L’œuvre terminée, malgré les ciels annonciateurs d’orages, l’amoureux prit le chemin vers la maison de « Petit rayon de soleil », tenant dans ses mains la robe noire, emballée dans du papier de soie. Quelle fut sa surprise de voir des manifestations d’agacement sur le visage de l’adorée! Malgré ça il lui enfila la robe qui la rendit encore plus belle que les jours passés. Son émerveillement fut sans limite. Il caressa, épousa tous les creux et les contours de l’aimée, sans voir les éclairs ni entendre le tonnerre qui s’abattaient sur le village.
Au terme de l’amour, le minois toujours renfrogné, la belle lui dit qu’elle refusait le cadeau. Cette robe ne pouvait consacrer leurs épousailles. Au-dehors le village était écrasé par l’orage.
De larmes qui se transformaient en cris, en menaces, en colères, la belle obtint enfin l’accord qui déchira l’homme bon - mais ni plus ni moins que beaucoup d’autres- sur la cession de la maison rebâtie pierre par pierre par le père de même que sur les champs au-delà de la forêt. « Pour me protéger et l’enfant à venir », dit-elle.
Les années passèrent, deux enfants virent le jour. Le gamin aux cheveux bouclés comme ceux du père, prit le chemin de la philosophie et la fillette suivit les pas de la mère. L’homme -bon mais ni plus ni moins que beaucoup d’autres- avait quitté la maison et, d’université en université, était arrivé au terme de ses écrits et enseignements.
Un jour, alors qu’il revenait voir ses enfants, on le mit sous le contrôle et la surveillance du maire du village, gardé et cloîtré dans l’annexe de la mairie. « Petit rayon de soleil » exigeait la maison de l’autre côté des collines, très loin, là où les ciels sont lavés des larmes du Nord. La justice dépassée par les affaires, avait chargé le maire de régler ce conflit. Ce que fit ce dernier sous les pressions de « Petit rayon de soleil » devenue, au fil du temps, « Grande langue de vipère ».
Ainsi donc, l’homme fut privé de soleil, de mouvements, de ses revenus, emprisonné dans l’annexe de la mairie.
Chaque semaine, revenant des cours de philo, le fils aux cheveux bouclés allait à l’annexe. Il arrivait avec un kilo de pomme de terre pour la semaine et les pages de philo à discuter. Le fils ne racontait jamais les moqueries du village, ni les inventions de la mère qui enfermaient sa sœur dans un monde de mensonges.
Chaque dimanche, L’adorée se pavanait dans les rues du village, se gaussant des malheurs de l’homme - bon mais ni plus ni moins que beaucoup d’autres -. Elle grossissait en même temps que sa méchanceté. Incapable d’enfiler la robe noire aux collerettes brodées de fil d’or, l’ancienne aimée entrainait sa fille - aussi jolie qu’elle à son âge - en la parant de la plus belle robe noire du pays, celle de ses épousailles.
Cela dura un an, deux ans, trois années. Le village se divisait autour de « l’affaire ». La fissure qui séparait les ragotants des fuyants se creusait chaque mois un peu plus.
Las de ne pouvoir entraîner « Grande langue de vipère » vers la compassion, le maire appela le fils. Durant l’échange, cheveux bouclés dont les larmes filtraient sous les cils s’effondra dans les bras du maire.
Un soir où l’orage inondait les rues du village avec la même violence que le jour de la cession de la maison et des champs, la mère partit chez ses parents avec sa fille, comme elle le faisait chaque premier samedi du mois.
L’annexe de la mairie tout comme la chambre de cheveux bouclés furent vidées, avec l’aide du maire. Et la robe tant exhibée emportée sur le champ.
A son retour, « Grande langue de vipère » devint folle de colère. La rage lui ajouta quelques kilos de plus.
Pendant ce temps, l’homme - bon mais ni plus ni moins que beaucoup d’autres -, « Cheveux bouclés » et Jolële, l’amie d’enfance, parcouraient les chemins de campagne, pressés d’ouvrir les volets de la maison au-delà des collines, très loin là où les ciels sont lavés des larmes du Nord.
L’amie de toujours emportait sur ses genoux la magnifique robe noire à la collerette de cercles de soie brodés de fil d’or.
Écrit et lu par Anne-Françoise Theunissen
Le coffre de ma grand-mère
Depuis longtemps et bien au-delà d’un temps long, elle m’en parle.
Il faut se marier avant l’âge de 25 ans, oui. Oui, pour ne pas « coiffer Sainte Catherine » ! Ma sœur réalise ses rêves : le fiancé existe. Tous les coussins défraichis et les tentures délavées de la maison sont remplacés pour accueillir l’élu, inconnu de chacun des membres de la famille.
Elle m’en parle encore et encore, du matin jusqu’au soir. Et du soir au matin ! Que je sois au jardin, elle m’appelle.
Que je lise à l’ombre du tilleul, elle s’infiltre dans mes rêves, bouscule les silences que je veux préserver.
Que je sois au retour de mes recherches florales pour le laboratoire, elle me happe dès le moteur éteint et bien avant que le bout de ma chaussure sortant de ma « Mini Cooper »ne touche le sol.
Que je sois dans la bibliothèque - lieu sacré pour tous les membres de la famille - à tenter de recoudre le bouton de mon jeans, ma sœur ouvre la porte.
Elle la claque contre le mur et me nargue :
« Viens ».
Depuis plus de deux mois je n’ai plus de lieu, plus de temps, plus de silence. Regarder le soleil qui se glisse au-travers des branches se vit comme un temps qui lui est volé :
« Viens ».
Le matin, le midi, la fin de journée, elle est plus envahissante que les matines, l’angélus et les vêpres.
« Viens »
Impossible de fuir l’injonction. Il me faut assister aux séances d’essayage sans compter mon temps. Froufrous, dentelles, coton satiné et cercles de broderies envahissent le salon. Plus de fauteuil, plus de siège pour glisser un bout de fesse et assister aux virevoltes de la future mariée encouragée par la couturière qui resserre la taille de la robe.
Ma sœur est tout de blanc inondée. La blondeur de sa peau et la lumière du coton satiné se confondent. La »traine » traditionnelle» est transformée en une multitude de cercles. Chacun est en satin brodé par ses anciennes copines de lycée. La robe déploie une amplitude qui part de la taille fine de ma sœur pour se déposer en plusieurs mètres sur le sol.
Elle sera bientôt terminée et ma sœur s’impatiente devant mes lenteurs à réaliser la robe qu’il me faudra porter pour accompagner ses rêves de « femme » . Ma résistance est dépassée. Me voilà contrainte de choisir entre le crêpe de Chine et le brocart damassé tout de bleu choisi pour illuminer celui de ses yeux.
Depuis longtemps et bien au-delà d’un temps long, elle m’en parle. La robe qu’il me faudra porter pour l’aider, elle au bras de notre père, à gravir les marches de l’église. Elle devra mettre en lumière son bonheur vers l’autel qui consacrera sa nouvelle vie.
Non, ma sœur. Je ne porterai ni le crêpe de Chine ni le brocart damassé pour illuminer le bleu de tes yeux.
C’est dans le grenier au-dessus de la bibliothèque, lieu sacré par toute la famille, que je trouverai les matières qui me plaisent. A chaque fois que j’ouvre le coffre de la grand-mère aimée, je glisse dans les secrets qu’elle a tant enfuis. Je caresse les tissus, me laisse imprégner de leurs senteurs. Tous sont prêts pour couler leurs matières autour de mon corps.
Je prends la soie sauvage aux tons de soleils couchants de fins d’été, filtrant au-travers des branches du jardin. La soie dorée glisse entre mes mains, tourne autour de mes seins, enveloppe mes reins. Elle me drape. Quelques pas jusqu’à la lucarne et la soie s’illumine. Une soie venue de Chine avec l’aimé de la grand mère, celui d’Orient qu’elle a caché aux regards et aux verbes des autres.
Souvent j’ai ouvert le coffre, sorti la soie sauvage. Souvent, j’ai placé quelques gouttes de cèdre et de lavande pour éviter que les fils ne s’effilochent.
Ma sœur, ce sera dans cette étoffe venue de Chine et des amours de la grand-mère que je tisserai les liens de tes rêves
Ou de mes rêves
Écrit et lu par Anne- Françoise Theunissen
Tapisserie, Tapisserie ? Est-ce que j’ai une gueule de tapisserie ?
Quand Joëllina a lu le roman « La Dame à la Licorne », voilà qui lui prit l’envie de me fabriquer, moi, la robe « mille fiori ».
Allais-je « faire tapisserie » dans un château médiéval et glacial enfoui au cœur d’une forêt périgourdine ?
Allais-je servir de décor dans la salle à manger lugubre et guindée d’une famille noble n’ayant toujours pas compris que 1789 était passé par là ?
J’enrageais !
Joëllina cousait, coton blanc satiné, buste cintré, jupe ample faisant traîne. Elle rêvait tout haut : licorne, champs de fleurs, folie florale, gentes dames portant hennin et houppelande.
Oups ! Je frissonnais, faisant Joëllina se piquer le doigt.
Tapisserie, Tapisserie ?
Est-ce que j’ai une gueule de tapisserie ?
Les fleurs sont arrivées, une par une ou par bouquet.
Mille myosotis, anthémis, coréopsis,
Mille pissenlits, millepertuis, ancolies,
Mille fleurs de genêts, œillets, achillées,
Mille coquelicots, pavots, plumbagos.
C’était un tourbillon de cyan, de pourpre, de sinople et d’or, une pluie de confettis fleuris, un feu d’artifice de pétales et pistils en tulle, taffetas, organdi et broderies. Cela me donnait envie de virevolter.
Mais voilà que Joëllina se remettait à rêver : Famille Le Viste, cour de François Ier, Premier Chancelier, noblesse à blason.
Je bouillonnais, faisant Joëllina perdre ses épingles qui s’éparpillaient sur le plancher.
Tapisserie, Tapisserie ?
Est-ce que j’ai une gueule de tapisserie ?
Abella vint pour les essayages. Habiller son corps harmonieux et musclé fut une vraie volupté.
Je suis une robe sans manche, une robe de journée ensoleillée, fleurie mais pas frivole, une robe « qui en veut », une robe Flower Power, une robe Révolution des Œillets, une robe Printemps des Peuples.
Abella, dans ma petite tête de robe, je la surnomme Abelia Grandifolia.
Quand elle me revêt et qu’elle avance élégante et décidée, je deviens buisson, je deviens prairie, je deviens Gerbe Baude. Les badauds s’esbaudissent.
Les plus curieux ont sans doute remarqué qu’au dessus de ma ceinture verte, Joëllina a apposé quatre fleurs d’arum, symbole de masculinité et de fertilité.
Quand je vous disais que je ne voulais pas être une tapisserie !
Écrit et lu par Annick Bellard
Chrysalide pour papillon d’un jour
Il était un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, où toutes les petites filles se rêvaient en princesse…….comme dans les contes de fées…… Au détour d’un bel arbre aux fruits d’or, le prince, dit charmant, foudroyé, avait perdu le boire et le manger.
Il fallait alors réfléchir à la robe pour la cérémonie.
Même si l’habit ne fait pas le moine, avec ou sans bonne fée, la robe se doit de magnifier la future princesse ! Alors, faisons un rêve, et imaginons la chrysalide de laquelle, devenue papillon, nous prendrons l’envol vers une vie nouvelle.
La robe que je m’invente s’éloigne résolument de la tradition féérique. Pas de blanc, mais du noir et des éclats de couleurs, comme autant d’éclats de lumière.
Et de la légèreté, tissus vaporeux tout en fulgurances. Soies, organza, mousselines, dentelles alesteraient des lins élégants.
Poursuivons le rêve…..
Novice en la matière, j’esquisse une silhouette. Mais un grain de folie s’immisce bien vite dans le schéma initial….Pourquoi ne pas construire cette robe comme un puzzle, en imbriquant des triangles, des matières damasquinées incrustées de filets d’or et d’argent.
Une ode à la nature, à la vie, avec des papillons, des libellules…..
Je poursuis mon délire et imagine une œuvre en trois dimensions, reliefs, manches déstructurées, ailerons de requins aux épaules……plus Cruella d’enfer que Cendrillon…..
Désormais, mes mains ne m’appartiennent plus vraiment : elles fouaillent les tissus, les soupèsent, alourdies de volupté. Symphonie sensuelle, ballet du geste et du regard, exhalaisons fugaces des étoffes ébouriffées.
Il va me falloir les domestiquer, ces mains destinées à couper, ciseler, assembler.
Manier le fil et l’aiguille, maîtriser tout en caressant les tissus dans le sens de la trame. Dompter les doutes.
Face à l’ampleur de l’exercice, je requiers l’aide d’amies passionnées : sous la houlette de Jo-L, telles des arachnides, elles enrichissent l’esquisse de tant de triangles bariolés, rebrodés, garnis de tulle ou de fleurs que désormais le buste seul est noir.
Le papillon peut bientôt quitter sa gangue.
Je me joins au chœur des artistes créatrices et, désormais coryphée glisse ma petite note sur la manche droite. Un triangle en métis couleur miel, rehaussé d’empreintes roses et blanches évoquant des pétales, sur lequel une libellule prend son envol. Corps longiligne brodé noir, ondulant. Une grappe noire évoquant une tête et des antennes. Ailes de liberté. L’une minuscule. L’autre, immense. Tissu blanc masqué de dentelle violette rappelant les anciens gants de femme. Elle donne toute sa légèreté à l’insecte ivre de vent.
Premier essai devant le grand miroir : face, profil, fesse cambrée. Peut mieux faire……
Quelques heures encore, échine courbée, yeux brûlants, cheveux hirsutes, enfiévrée….une gorgone ! Décidément, Cruella ne me lâche pas.
Et maintenant ? Ce n’est pas l’angoisse de la page blanche, mais celle d’une déception abyssale…habit-sale…..Cendrillon sans carrosse ni souliers de vair….
Vais-je le mériter cet habit de lumière ?
Lentement, je l’enfile, dos tourné au miroir. Prendre le temps d’ajuster les manches volumineuses. Mes mains se perdent à nouveau dans les tissus, je frissonne. Ne manquera-t-il aucune pièce au puzzle ? Ballet de gestes sans le regard……
Et pourtant, il faut se retourner et, ce regard, le plonger dans le grand miroir.
O miroir, mon beau miroir ! Dis-moi qui est la plus belle !
Écrit et lu par Dominique Julien
Il y a des gens qui sont revenus plusieurs fois, seul pour mieux profiter ou accompagnés pour partager.
Je ne souhaitais pas que la jupe 95% Lin, 3% Liens , 2% Lettres fasse partie du défilé du samedi soir.
Je l'ai prévu pour être mise sur un mannequin statique et je voulais qu'elle reste avec ses copines.
Je ne l'avais même pas essayé pour me rendre compte du rendu car elle est vraiment longue.
Je n'y ai pas pensé avant mais en discutant avec une dame dimanche soir vers 17h, j'ai fait le vœux qu'une jeune femme rentre dans l'église juste vers 18h avant la fermeture.
Et qu'elle accepte de porter la robe pour une présentation.
C'était assez improbable, il y avait déjà moins de monde et les jeunes gens ont été minoritaires.
Il faut croire que la fée des couturières m'a entendue !!!
Sophie est arrivée à l'heure accompagnée d'une amie et a accepté avec un plaisir non dissimulé mais tout en retenue de porter la robe.
Quel moment d'émotion partagé avec une dizaine de personnes
Désolée d'avoir mis tout ce temps pour le compte-rendu mais j'ai eu des difficultés à mettre les textes.
Il doit y avoir encore des problèmes de mise en page qui n’apparaissent pas sur le brouillon, que je ne peux donc pas corriger.